« Les décors sont de Roger Hart et les costumes de Donald Cardwell » : qui a connu la célèbre émission Au Théâtre ce soir se souvient de cette phrase culte célébrant les costumes comme une composante fondamentale d’un spectacle. Sans pourpoints d’époque pas de véracité historique, sans manteaux de zibeline, pas d’Anna Karénine et sans tailleurs pastels, pas de Parapluies de Cherbourg : à l’écran et à la scène, l’habit fait le moine. Il conditionne la projection intime et l’identification du spectateur. Au ThéâtredelaCité, c’est une femme, Nathalie Trouvé, qui assume ce rôle jusqu’aux boutons pression car c’est une perfectionniste. Et une discrète cheffe d’orchestre…
Qui a dit « des petites mains » ?
Comme pour le métier compère d’accessoiriste, le métier de costumièr.e allie la technicité d’un artisanat exigeant et l’art dans toute sa richesse. Adapter le costume aux contraintes du spectacle, réaliser les idées d’un.e metteur.e en scène, prévoir la vitesse d’un changement de costume à l’acte III en intégrant une fermeture éclair, privilégier une matière pour ses propriétés ou coudre spécifiquement pour LE.LA comédien.ne qui va évoluer dedans, teindre, vieillir ou rénover une étoffe, réassouplir un cuir moisi, c’est la base et ça ne s’apprend pas en un jour. Nathalie Trouvé a eu un bac technique baptisé « Création et mesures », puis une formation dans la haute couture où s’est peaufiné un lien viscéral entre ses mains et sa machine, avant d’entrer dans le monde du théâtre et de suivre Jacques Nichet de Montpellier à Toulouse il y a plusieurs décennies. Elle y a développé cet amour épidermique des tissus et matières, des soies, des velours, du drap de laine ou du vinyl pop qu’elle caresse encore de la paume dans les espaces de stockage du théâtre où dorment bien rangés par familles évocatrices les uniformes, les robes de bal, les fourrures ou les trompe-l’oeil ventrus de femme enceinte, véritables palimpsestes d’années et d’années d’habillage. Pendus à leur cintre, des centaines de personnages éteints qui n’espèrent qu’un corps chaud à venir pour reprendre vie. Dans les boîtes étiquetées, cravates, chaussures, chapeaux, attendent aussi leur heure et la dernière touche aux tenues qu’apportera l’accessoiriste, une canne, un vélo, une paire de lunettes, qui dessinent pour toujours une silhouette. À l’interface de tous ces champs et à la tête d’une équipe de couturières et d’habilleuses, « des filles qui savent coudre et qui ont l’intelligence des matières » dit-elle avec fierté, Nathalie Trouvé chapeaute le service avec une rigueur douce qu’on devine complice car elle en maîtrise toutes les ficelles. Depuis le moulage où se fabriquent et s’inventent les formes en volume sur un mannequin, le découpage des patrons en passant par le nettoyage ou l’achat de pièces existantes chez un fournisseur, elle assume surtout une relation « fétichiste » au costume. Jusqu’au soir de première, elle règle dans la salle de son oeil averti les derniers détails, avant de passer la main le soir de première à l’habilleuse.