À quoi sert un théâtre fermé ou un théâtre qui ne peut plus recevoir de public ? On peut vite dire, à rien. Sauf si on décide de le transformer en un champ de recherche où les artistes privés de public peuvent poursuivre leurs idées les plus osées (tels Alice à la poursuite du lapin blanc), sans obligation de produire un résultat dans l’immédiat. Pour ma part le seul endroit où j’ai pu fonctionner et respirer librement ces derniers mois a été ces périodes de laboratoire consacrées à des projet de création ou à des questionnements propres à notre métier. Le laboratoire est devenu l’endroit où l’arrêt imposé a la chance de se transformer en un temps d’introspection qui, a posteriori, va se révéler comme la période qui aura été la plus riche du point de vue créatif.
Dans un moment de blocage total, l’homme arrive à s’adapter grâce à sa persistance. Le théâtre à son tour est obligé de trouver un espace privilégié où l’on peut préserver les nuances et la complexité d’un monde qui, de l’extérieur, devient de plus en plus binaire. Et ce temps de recherche s’est avéré l’une des solutions possibles, surtout aujourd’hui quand, de l’isolement du confinement, on est tout à coup passé à l’hystérie d’une reprise trop longtemps rêvée.
Et rien d’autre entre ces deux extrêmes. Juste un monde de plus en plus simplifié qui se nourrit de tous les moyens de confrontation. On ne parle plus des choses qu’en noir ou blanc et de rôles de victimes ou de bourreaux. Cette simplification est bonne pour créer des slogans mais elle ne contribue aucunement à surmonter le traumatisme de cette période que nous avons traversée. C’est pourquoi je considère l’endroit du laboratoire inspirant et essentiel pour la survie du théâtre. Ce sont des capsules d’espace-temps qui procurent aux créateurs la possibilité de rêver et d’imaginer un futur là où d’autres ne voient que des impasses.