En tant que directeur de La Cinémathèque, quelle est votre sensibilité au spectacle vivant et, en particulier, au théâtre ?
Si le cinéma a toujours été présent dans ma vie, mon parcours est fortement marqué par le théâtre, mon premier métier étant celui de comédien. Après une formation au conservatoire et voulant découvrir d’autres manières de faire, je suis parti à Londres où des artistes comme Simon McBurney appréhendaient la création d’une façon plus collective. Le travail sur le corps de l’acteur y était beaucoup plus important et j’ai appris à appréhender le texte différemment en jouant dans une langue étrangère. Revenant à Paris quelques années après, j’ai dispensé des formations en théâtre bilingue. À Toulouse, j’ai rencontré Jacques Nichet qui m’a proposé de travailler sur le projet Mille milliards de poèmes au TNT. J’ai mené des ateliers pour faire découvrir la poésie au plus grand nombre et ce fut une expérience très marquante pour moi. La poésie est capable d’exprimer l’indicible, de susciter parfois des moments suspendus, hors du temps.
Mon rapport au cinéma n’est donc pas exclusif et s’enrichit de ces différentes expériences dans le spectacle vivant, de mon goût pour la poésie, le théâtre, la danse ou encore la démesure de l’opéra.
Le cinéma est un art « jeune » et s’est beaucoup nourri du théâtre…
Oui ! Il faut rappeler que le cinéma est à l’origine une attraction foraine, populaire, mais qui a trouvé une légitimité « artistique » en étant projeté dans les salles auprès d’un public plus bourgeois. À ses premiers balbutiements, le cinéma a fait beaucoup d’emprunts aux techniques du théâtre ou à la magie, notamment pour mettre en œuvre les premiers trucages. Le XXème siècle verra très tôt plusieurs tentatives d’hybridation de ces arts comme chez Meyerhold. Aujourd’hui, il semble qu’un cap ait été franchi dans ce processus avec l’émergence d’artistes comme Cyril Teste qui, de spectacle en spectacle, déploie une maîtrise dramaturgique de plus en plus fine de la mise en scène cinématographique au plateau. Festen m’a particulièrement marqué en ce sens. Je pense également au spectacle Les Damnés mis en scène par Ivo Van Hove au Festival d’Avignon avec la troupe de la Comédie-Française, et ce d’autant plus que le film de Visconti m’a profondément marqué dans ma jeunesse. Le travail de Julien Gosselin qui avait présenté 2666 au ThéâtredelaCité s’inscrit davantage dans une forme de Cinéma Vivant tant la caméra tient une place importante au plateau et influe sur le jeu des comédien∙ne∙s.
Quelle sont les motivations de La Cinémathèque à développer des partenariats avec d’autres institutions culturelles comme le ThéâtredelaCité ?
La programmation de La Cinémathèque est par nature éclectique, comme le montre la diversité des formes et de sujets qui y sont traités. Il est plaisant pour nous de pouvoir faire cohabiter un cycle exceptionnel autour de la restauration des films de Roberto Rossellini avec une rétrospective sur la Hammer. Cet éclectisme se manifeste également par les ramifications déployées avec d’autres partenaires. Une partie de notre activité est par nature tournée vers la conservation et le patrimoine, mais nous avons à coeur d’accompagner la création contemporaine sous toutes ses formes. Nous programmons des spectacles cinématographiques comme les ciné-concerts, nous organisons le Festival Histoires de cinéma, ou des projections en écho à un spectacle programmé au ThéâtredelaCité… Aujourd’hui, de nouvelles coopérations apparaissent et, tout en poursuivant notre association à des événements comme Cinespaña en ce moment, nous souhaitons pousser cette logique en nous associant par exemple à La Biennale Internationale des Arts Vivants – Toulouse Occitanie.