Carte blanche à Simon-Élie GalibertThéâtredelaCité

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Carte blanche à Simon-Élie Galibert

DOSSIER : L’ATELIERCITÉ

À 27 ans, il est le metteur en scène associé à l’AtelierCité, la troupe éphémère du ThéâtredelaCité installée dans les murs. Il partage avec ces comédien∙ne∙s en devenir l’enthousiasme des jeunes artistes auxquel∙le∙s on donne enfin carte blanche pour bâtir et montrer leur travail dans de bonnes conditions. Sorti récemment de l’école du TNS, Simon-Élie Galibert a choisi Thomas l’Obscur, roman incontournable de Maurice Blanchot comme porte d’entrée sur son univers et une histoire d’amour ratée comme point de départ…

DÉJOUER LES CONVENTIONS

On comprend ce qui peut, dans cette œuvre, hameçonner Simon-Élie Galibert qui affirme, depuis ses premiers travaux d’école, un goût délibéré pour les écritures exigeantes, parfois un peu maudites et les thématiques très intimes presque hostiles, au sens où elles ne se livrent pas d’emblée. Le passage par le TNS lui a permis « d’aller chercher des outils au-delà de l’acteur∙rice » : il a pu y embrasser l’ensemble des possibles de la scénographie, costumes, lumières, son, y vérifier que « toute la dramaturgie constitue une manière de raconter plus importante que l’histoire elle-même et qu’un spectacle possède de ce fait une organicité pleine ». La rencontre puis le choix de quatre comédien∙ne∙s de l’AtelierCité garçon et filles a donné corps à cette envie de recherche, de saisir l’écriture de Blanchot, son mouvement de ressac, son caractère expérimental, à travers l’humanité bien vivante des acteur∙rice∙s en les précipitant (comme un réactif chimique) l’un contre l’autre. Ainsi le personnage d’Anne est-il finalement joué par tou∙te∙s les comédien∙ne∙s qui incarnent à tour de rôle différents états de la jeune femme.

DIRE LA SENSATION

Vivre comme on l’entend, aimer qui on veut malgré les empêchements multiples que dressent entre les êtres la norme sociale, la bien-pensance et les difficultés des humains à communiquer, ça pourrait être un premier biais pour entrer dans cette histoire qui n’en est pas vraiment une. À dix ans d’intervalle, entre 1941 et 1950, Blanchot écrit deux versions d’un roman qui ne raconte en apparence rien, une première version puis une deuxième, élaguée à l’os, qui sont comme
deux tentatives de vie raturées de son double littéraire Thomas. L’histoire d’amour entre Anne et lui, ses personnages, est le fil-prétexte qui guide un récit mouvant, aux confins de l’essai et de la poésie, tout entier tissé d’états d’âme et de sensations, plus que d’événements. Sans fins.
Leurs deux présences sont évoquées du point de vue d’Anne, depuis un espace mental qui s’applique bien plus à décrire ce qu’ils ressentent que ce qui leur arrive. De la littérature écrite
aux mots qui jaillissent des bouches au plateau, invitation nous est faite d’entrer dans le jeu et de quitter nos certitudes comme on poserait ses chaussures à l’orée d’un nouvel espace-temps.

ÉPROUVER LA TENTATIVE

Pour entrer dans l’invitation concrètement pour le∙la spectateur∙rice, il faut accepter de se laisser guider. On le fera d’autant plus volontiers que la sincérité du projet est totale. Cette création revendique un processus de fabrication tenant
du laboratoire et une mise en scène qui utilise les strates du décor pour nous faire vivre une « expérience sensible ». Le public déambule du regard dans une installation plastique qui se déploie dans l’immense espace de la Salle de répétition. À voir en entrée libre du 23 novembre au 2 décembre.

 
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