Le monde entier joue la comédie (Totus mundus agit)ThéâtredelaCité

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Le monde entier joue la comédie (Totus mundus agit)

Imaginez-vous quelques instants…Vous êtes en 1559 en Angleterre. Le pays connaît une période de prospérité en parallèle d’une crise religieuse. C’est un moment charnière où l’on redécouvre la Grèce antique et où l’on remet en question Dieu et la place de l’être humain dans l’univers. C’est dans ce contexte, le 15 janvier 1559, qu’a lieu le couronnement d’Élisabeth Ière d’Angleterre, qui donnera son nom au théâtre de cette époque habituellement daté entre 1576 et 1642 (date de fermeture des théâtres imposée par les puritains). Quelques années plus tard – comme si son couronnement appelait la naissance de grands artistes – en 1564, seront baptisés deux immenses auteurs représentatifs de cette période : Christopher Marlowe (le 26 février) et William Shakespeare (le 26 avril) qui seront représentés sur la scène duThéâtredelaCité prochainement avec Le feu, la fumée, le soufre de Bruno Geslin ; Un Hamlet de moins de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano ; et Othello de Jean-François Sivadier.

Pour bien apprécier toute la richesse et la complexité de cette époque et de son théâtre, il faut savoir qu’il s’agit d’une époque de transition entre deux visions opposées du monde et qui coexistent : d’un côté celle d’avant, médiévale, qui était enracinée dans la religion ; et de l’autre, celle de la renaissance humaniste qui met en doute l’existence de Dieu et qui révolutionne ainsi le rapport que chacun∙e a à l’univers. On considère désormais que l’immensément grand contient l’immensément petit et inversement, et que l’Humain ne serait peut-être qu’un élément futile d’un Tout et non plus le Tout. Imaginez le trouble profond que cette prise de conscience a pu créer, et quelle richesse cela a été pour le théâtre élisabéthain qui s’est fait la chambre de résonance de cette société en contradiction. Les trois spectacles cités ci-dessus déploient à merveille ce déchirement de l’âme sur la scène. Que ce soit Édouard II, Hamlet, Othello ou les personnages les entourant, chacun∙e est pris∙e dans un cercle infernal où les plus nobles pensées se confrontent aux instincts les plus vils et dans lequel il semble ne pas y avoir d’issue, si ce n’est dans la mort. Car, dans ce théâtre de l’excès, les passions de l’âme contrariée se résolvent (se résolvent-elles vraiment ?) souvent dans une mare de sang. Ainsi, Édouard II est déchiré entre l’amour qu’il porte à son amant Gaveston et l’obligation qu’il a de régner et de satisfaire les nobles (qui complotent contre ce couple scandaleux) ; Hamlet, Laërte, Horatio et Ophélie (âgé∙e∙s de 20 ans dans cette adaptation libre) sont tiraillés sur leur raison d’être ; quant à Othello, il détruit tout ce qui l’entoure après que Iago ait mis en scène sa vengeance en plantant une graine mortifère dans son esprit. Cette violence qui rappelle le proverbe « L’Homme est un loup pour l’Homme » est la conséquence des passions démesurées, mais elle avait sans doute aussi un but plus pragmatique. À cette époque, le public venait entre autres au théâtre pour trouver un∙e conjoint∙e, pour se montrer, pour sociabiliser – ce qui n’est plus aussi clair aujour-d’hui –, il était mobile et son intérêt était assez peu dirigé vers le spectacle. Il fallait donc que les événements sur le plateau captent l’attention des spectateur∙rice∙s, et quoi de plus choquant que la violence de ses semblables ? Maintenant, vous penserez peut-être que ces trois spectacles seront tragiques, violents, brutaux même parfois (et vous n’aurez pas tout à fait tort, car c’est à l’image de l’Homme). Pourtant, il serait faux de croire que le théâtre élisabéthain se limite à ça. Sa grande force, c’est justement qu’il est hors normes et qu’il fait cohabiter de multiples genres, permettant à chacun∙e de trouver son endroit de plaisir. On nous fait passer sans cesse d’une théâtralité à une autre, glissant de la tragédie à la comédie, au burlesque, au clown, ou encore à la poésie, images parfois accompagnées de musique – qui est une autre révolution de l’époque élisabéthaine qui a puisé, dans la Grèce antique, sa pluridisciplinarité. 

Ainsi, que ce soit dans la version queer et transgressive de Bruno Geslin, dans la réécriture novatrice de Nathalie Garraud et Olivier Saccomano, ou dans la violence de l’humour proposée par Jean- François Sivadier, ces trois spectacles se saisissent de ces mélanges des genres pour les sublimer et nous surprendre toujours. 

à la mémoire de Lionel Codino


Place aux lycéen∙ne∙s ! 

Cette saison, six lycées participent à ce projet régional et s’attaquent au théâtre élisabéthain, en découvrant les textes de Marlowe et de Shakespeare. Du Gers à l’Ariège, en passant par le Tarn et la Haute-Garonne, les classes travaillent avec leurs enseignant∙e∙s et se retrouveront toutes à la fin du projet au ThéâtredelaCité, à l’occasion d’une présentation finale, pour échanger et partager autour de leur pratique.L’opportunité pour elles de se présenter à un public et de confronter leurs différentes approches de ces textes. Vous pourrez croiser ces comédien∙ne∙s en herbe au détour des représentations de Le feu, la fumée, le soufre de Christopher Marlowe, mis en scène par Bruno Geslin début mars. Ils∙Elles pourront peut-être vous souffler quelques vers, dans une ambiance aussi queer et déjantée que Marlowe l’aurait souhaitée.

Présentation publique au ThéâtredelaCité 
Lundi 3 avril / 20h30 
Entrée libre sur réservation au 05 34 45 05 05 


 
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