Cela a mal vieilli. Cela a été usé par l’usage que l’on en a fait. Sûrement cela pourrait s’écrouler. Cela disparaît sous un monceau de gravats. En surplomb, hiératiques, des statues sans âge veillent sur la poussière amoncelée. Cela, au premier degré, c’est la scénographie, une image monochrome grisâtre où tout se confond, une désolation de vieux plâtre. Cela, c’est aussi une idée de l’état dans lequel se trouve l’école, ce service public qui se fissure à mesure que le néomanagement progresse. C’est de cela que traite Amathia : de l’éducation nationale, de celles et ceux qui en forment la chair, et de ce qui pourrait peut être la régénérer.
Il ne s’agit pas de prononcer un éloge funèbre : ce monument fissuré est également empli de vie. Ces statues qu’on dirait prises dans les murs, ce sont les enseignant∙e∙s, encore vif∙ve∙s, capables de retarder l’effondrement, capables également de faire corps si ses membres trouvent comment sortir de leur isolement. Cinq d’entre eux∙elles sont incarné∙e∙s par des acteurs ou actrices.
Pour la première fois chez le Blick Théâtre, la pièce fait une place à la parole, même si celle-ci ne prend l’ascendant sur aucun autre des ingrédients du spectacle. « Sur la question politique du service public, la langue me paraissait primordiale, c’est dans les mots que cela se joue », précise Dominique Habouzit. L’écriture s’est faite à quatre mains avec l’autrice Sonia Belskaya, sculptant une fiction qui plonge ses racines dans la réalité puisque le processus s’est nourri d’un collectage sur le terrain. « C’est du théâtre politique, en tous cas du théâtre qui pose des questions sur la vie de la cité », en dit encore Dominique Habouzit, « je ressens une grande urgence à parler aujourd’hui du commun ». C’est aussi un poème verbal et visuel, une métaphore susceptible de parler à chaque membre du public, un constat sans oeillères de ce qui est, et l’esquisse d’un chemin vers ce qui pourrait être…