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Représentations
Distribution
Production ENSAD Montpellier
Informations
Le CUB
DÉTAIL DES DATES
J’apprends à voir Pelléas et Mélisande
Conception et mise en scène Amélie Enon
7 novembre
L’autre cool
Texte et mise en scène François-Xavier Rouyer
8 novembre
Mr and Mrs MacB
Texte et mise en scène Stuart Seide
9 novembre
Cosmic Kiss 1991
Texte et mise en scène Gildas Milin
10 novembre
Intégrale
11 novembre à 11h
Résumé
Dix comédien.ne.s de l’ENSAD rencontrent quatre metteur.se.s en scène de quatre générations différentes pour la création de quatre spectacles.
Stuart Seide donnera sa vision de Macbeth de Shakespeare et d’une éternelle soif de pouvoir et de désir, à travers Mr and Mrs MacB. Gildas Milin lancera un Cosmic Kiss à l’année 1991. Amélie Enon questionnera des processus de création théâtrale avec J’apprends à voir Pelléas et Mélisande de Maeterlinck. François-Xavier Rouyer décrira, dans un futur, une humanité devenue un vaste flux d’informations, interrogeant le bon vieux temps où on avait un corps.
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J'apprends à voir Pelléas et Mélisande
Le projet que nous initions cette année a son origine dans un travail de recherche que nous avons mené, la promotion 2018 et moi-même, dès mars 2016 au cours d’un stage de six semaines.
Il s’agissait alors de découvrir ce que venait provoquer cette phrase manifeste de Rilke dans Les carnets de Malte Laurids Brigge : « Aujourd’hui, j’apprends à voir ».
Si il était passionnant de voir comment Rilke laissait cette pensée agir sur son écriture et modifier son rapport au monde, il était, dans les premiers temps, beaucoup moins aisé de la laisser agir sur nous et façonner le théâtre que nous avions à construire ensemble. Il nous fallait forger la petite porte qui nous y donne accès. Pour moi, la petite porte fût cette phrase d’une apparente simplicité : « Notre tâche aujourd’hui ça serait d’y voir clair ». Ce que dit, avec ces mots, le sinologue Jean-François Billeter c’est la nécessité de penser le monde par l’expérience que l’on fait des choses, et cela en commençant par « s’intéresser aux phénomènes que je puis observer par moi-même, les plus familiers, ceux qui forment l’infiniment proche et le presque immédiat ».
C’est ainsi que nous avons commencé à travailler.
Rilke était notre compagnon de route, nous avons travaillé avec ses textes, des fragments des Carnets de Malte Laurids Brigge, des poèmes, quelques uns de ces textes dramatiques. Nous nous sommes également déplacés : nous sommes sorties de l’école pour voir dans les rues, sur les places, dans nos promenades, ce qui se vivaient au dehors. Au bout de ces six semaines, nous avons expérimenté une forme en présence des spectateurs. Ce partage de la vision, cette expérience commune du regard, a été une découverte importante.
Dans nos premiers cours sur le théâtre antique, on apprend que teatron désigne l’espace où sont disposés les spectateurs : c’est le « lieu d’où l’on voit ». Notre travail tourne autour de cette question : Puisque le théâtre était autrefois « le lieu d’où l’on voit », et que nous avons gardé ce mot aujourd’hui pour nommer l’édifice et cet art tout entier, alors qu’en est-il maintenant? Si aujourd’hui nous assignons encore cette tâche au théâtre, celle d’être ce « lieu d’où l’on voit » : que voit-on? Quel langage se tisse alors autour de ce qu’on ne voit pas, l’invisible, le caché, l’ineffable ? Quelle place y fait-on pour ce qui pourrait être ou ce qui n’est pas encore?
Le travail du regard est bien celui qui rassemble acteurs et spectateurs de théâtre. Il nous appartient de construire dans ce lieu « théâtre » un espace pour voir, penser et inventer.
Il est étonnant de voir comment notre expérience rilkéenne nous apprend à découvrir autrement l’oeuvre théâtrale de Maeterlinck.
À la lecture, les pièces de Maeterlinck me sont toujours apparues comme un plongeon en eaux profondes : nul ne sait ce qu’il y verra, ni comment il en sortira.
Et pourtant, cet inconnu ne nous semble pas être totalement étranger. Il y a, ici, quelque chose de familier et d’étonnement concret.
Alors que dans les Carnets de Malte Laurids Brigge, Rilke empruntant le visage le Malte, nous fait cheminer d’un monde extérieur – le sien, celui de sa rue, de ses rencontres – vers un monde intérieur, plus intime, secret et invisible, Maeterlinck, par le drame, nous égare volontairement en mettant face à nous une multitude de visages comme autant de mondes intérieurs hermétiquement clos. Le dramaturge belge ne nous tend pas un miroir pour y voir notre propre reflet mais pour y apercevoir un autre monde. Maeterlinck laisse de la place au spectateur pour qu’il puisse cheminer vers cet intérieur qu’il ignore et qui n’appartient qu’à lui seul.
Pour les dix comédiens sur le plateau, il s’agira d’inventer, ensemble et pour chacun, les conditions pour qu’advienne cette nouvelle expérience du « voir ».
« J’apprends à voir. Je ne sais pas à quoi cela tient, mais tout pénètre plus profondément en moi, sans s’arrêter à l’endroit où d’ordinaire tout s’achève. J’ai un intérieur, que j’ignorais. Tout y entre désormais. Je ne sais pas ce qui s’y passe. (…) J’apprends à voir. Oui, je commence. Cela ne va pas encore très bien. Mais je veux mettre mon temps à profit. Comment avais-je pu par exemple ne pas m’apercevoir du nombre de visages qui
existent? »
Rilke – Les carnets de Malte Laurids Brigge.
La méthode de Malte sera la nôtre : apprendre à voir / ne pas s’arrêter à l’endroit où d’ordinaire tout s’achève / commencer / dénombrer les visages.
Petit à petit, un drame se tisse fait de fictions multiples. Nous travaillons à partir des matériaux que nous glanons au fil de nos observations de la vie quotidienne et de nos lectures. C’est sans doute dans « ce qui revient tous les jours », dans les répétitions, que se construit notre pièce faite de silences et de petits gestes d’une apparente banalité.
« Nous naissons véritablement le jour où pour la première fois nous sentons profondément qu’il y a quelque chose de grave et d’inattendu dans la vie. Les uns constatent tout à coup qu’ils ne sont pas seuls sous le ciel. Les autres en donnant un baiser ou en versant une larme s’aperçoivent brusquement que « la source de tout ce qu’il y a de meilleur et de saint depuis l’univers jusqu’à Dieu est caché derrière une nuit pleine d’étoiles trop lointaines »; un autre a eu pitié, un autre a admiré et un autre a eu peur. Bien souvent, il ne faut presque rien ; un mot, un geste, une petite chose qui n’est même pas une pensée. »
Maeterlinck – Emerson.
En un sens, c’est ici que le théâtre se déploie tout à fait : dans ce « presque rien … qui n’est même pas une pensée », dans un instant qui nous fait voir ce qui, jusque-là, nous était rendu invisible et qui semble nous faire naître au monde une nouvelle fois. Ces évènements, cachés dans les plis de la vie quotidienne, sont ce que nous souhaitons voir advenir.
L'autre cool
Dans le futur, l’humanité est devenue un vaste flux d’informations dont certaines regrettent le bon vieux temps où on avait un corps, le même du début à la fin, qui était source d’infinis douleurs et d’infinis plaisirs. Ces entités essayent donc de rejouer quelque chose de cette époque, de retrouver ce que pouvait être l’état des hommes et leurs façons de vivre ensemble, en 2018 par exemple.
Comédie archéologique, pourrait-on dire, l’autre cool tente d’imaginer depuis un point de vue projeté dans le futur, ce qu’on pourra penser de nous, de nos us et coutumes, de nos rêves, de nos peurs comme si des robots visitaient dans cinq cent ans le musée de notre Pompéi contemporaine…
Lorgnant à la fois vers la science-fiction soft et la comédie de mœurs, je rêve d’une certaine manière d’un Tchekhov au pays des robots. Des « entités informationnelles » tentent de recréer une société ou tout du moins de donner l’illusion de liens, des intelligences artificielles se persuadent entre elles de leur bonne fois, essaient de trouver le ton « naturel » pour dire telle ou telle chose. Le modèle originel humain non augmenté est brisé mais on essaiera à tout prix d’en donner la copie la plus exacte possible…
On ne cesse de dire – depuis toujours – « c’était mieux avant », comme si la civilisation était une marche forcée vers son propre déclin et la société ne nous donne pas d’autre choix qu’être du côté des conservateurs ou de celui des modernistes. Avec ce spectacle, en choisissant un point de vue spéculatif, c’est un écart et peut-être un entre-deux, un juste milieu que je cherche, un chemin dans la jungle aussi bien qu’une réconciliation, une ligne de crête entre deux montagnes magiques.
J’ai déjà eu l’occasion l’an passé de travailler avec la promotion 18 de l’ENSAD que j’avais particulièrement apprécié. Durant le stage de cinq semaines, j’avais écrit pour eux un texte concis Pour une mine d’or qui avait donné lieu à un travail au plateau. Le texte de L’autre cool s’inscrit dans la lignée de ce premier de texte écrit rapidement. Il en est comme la forme mature et accomplie.
François-Xavier Rouyer
Mr and Mrs MacB
Ils sont jeunes, beaux, riches et intensément liés. Et il existe entre eux un pacte. Elle l’aidera à devenir le numéro un car lui ne rêve qu’à ça et elle sait que leur bonheur à deux passe par là.
Alors ils tuent.
Puis leur bonheur se transformera en désastre et démence.
Ambition, illusion, hallucination, désillusion. Voilà le fond de notre histoire
La désintégration du couple, le déséquilibre paranoïaque de MacB, le despotisme meurtrier que subit le pays et le dérèglement mental de Lady suivi de son ultime suicide. En voilà quelques épisodes.
Dans Macbeth, comme dans tout Shakespeare, se croisent l’épique et l’intime, le paraître et l’être, le collectif et l’individu.
Avec les jeunes acteurs de l’ENSAD de Montpellier je souhaite explorer et livrer cette œuvre en partant de l’intime et de l’individu. Tous les mots seront de Shakespeare. Les monstres d’aujourd’hui ne porteront pas des peaux de bêtes. La descente vertigineuse dans la cruauté, le sang et le massacre se fera en étant habillé en costume cravate et robes chics. Certains jeunes hommes pourraient même ressembler au « gendre parfait ». One may smile, and smile, and be a villain. (Hamlet I,5)
Obsédé par la couronne comme Richard III, MacBeth manque le talent caméléonesque du bossu. Cependant MacB n’est pas seul. Il est accompagné, encouragé, secondé par sa Lady.
Elle ne peut intervenir de façon directe (cela ne se fait pas dans ce monde-là) alors son aspiration se réalisera à travers la réussite de son homme. Il y aura d’autres femmes dans notre récit. Trois sœurs étranges, marginales, rejetées par tous, feront appel à des moyens occultes, pour influencer le cours des événements et le destin des hommes. Lady MacD, se tenant à l’écart du ce brouhaha, s’occupe de ses enfants et de sa maison. Elle, et tout ce qu’elle a, passera à la trappe. Mais tout finira bien, car MacB sera succédé par Malcolm, jeune, beau, fils de papa, à qui est promis – et qui nous promet – un avenir souriant.
Stuart Seide
Cosmic Kiss 1991
Cosmic Kiss 1991 est à la fois un western quantique et un petit opéra Rock. C’est l’histoire que vont vivre et parfois revivre, dans une relation très directe au public, une dizaine de personnages.
Ces personnages, ou figures, sont tous (sauf une femme, Vienna) nés en 1991.
À noter que dans la porosité entre fiction et réalité, les acteurs de Cosmic Kiss 1991 sont aussi tous nés autour de cette année 1991.
L’année 1991 y apparaît pour ce qu’elle est : une période faite d’événements à partir desquels « le monde d’avant » a basculé dans le monde d’aujourd’hui, une année charnière à partir de laquelle notre planète n’a plus été exactement la même.
Mais, il ne s’agît pas pour Cosmic Kiss 1991 de dire que « ce nouveau monde » d’après 1991, où, par exemple, les droits du commerce l’ont emporté radicalement sur l’ensemble des droits humains fondamentaux, est une bonne ou une mauvaise chose – non – il s’agît de « fictionner », de considérer poétiquement la réalité de ce changement d’époque et d’interroger la rage et le désir caché de révolte de la « Génération Harry Potter ».
Pour rappel, l’année 1991, verra la mise à disposition du public du « Network of Networks », créant de fait, après 30 ans de recherche informatique, la troisième révolution de l’information : la naissance d’Internet.
1991 c’est aussi la généralisation des applications « anthropotechniques » : manipulations génétiques, hybridation du vivant avec l’ordinateur (accompagnée de la naissance de la philosophie « Cyborgiste », Donna Haraway), et la mise sur le marché des « substances de confort » modifiant les fonctionnements du cerveau (dont les inhibiteurs de recapture de neurotransmetteurs : antidépresseurs – etc.).
1991 c’est aussi le temps des dernières phases de négociations commerciales préparant la mutation des accords du GATT en OMC, et la signature secrète, en 1995 par 153 pays, de l’Accord Général sur le Commerce des Services : naissance de la Globalisation.
1991, c’est peut-être encore un point fort de la troisième vague du mouvement féministe (qui trouvera des échos contradictoires dans les années 2000, avec Femen, Pussy Riot, etc.).
1991, 24 septembre, c’est encore la date de sortie de l’album Nervermind du groupe Nirvana.
Ces dix personnages (sauf l’une d’entre eux), ou suite à un suicide, ou par accident ou encore à cause d’une maladie, « vivent », en 2018 (alors qu’ils ont donc pour la plupart 27 ans), une mort clinique (arrêt du cœur, coma de phase 4, etc.) sans pour autant entamer une mort biologique (correspondant à la détérioration des organes et donc, au caractère irréversible de la mort, la vraie).
Chacun d’entre eux, entamant sa mort clinique, « vit » une expérience aux frontières de la mort (NDE – Near Death Experience – de nombreux ouvrages, et de nombreux protocoles systématiques, scientifiques, depuis la fin des années soixante, ont tenté de rendre compte et de donner des explications aux récits faits par des personnes ayant traversé des NDE avant de sortir d’une mort clinique et de revenir à la vie – les NDE peuvent comporter jusqu’à 11 étapes – relatées précisément – et ce, quelles qu’aient pu être l’origine ou les confessions religieuses ou croyances des personnes en question. Les tentatives d’explication neurobiologiques n’ont pas pu réduire le caractère indéniable des expériences « à un auto-shoot de passage du cerveau avant la mort », et les tentatives qui ont pu être faites du côté de la mécanique quantique manquent encore d’outils).
À la neuvième étape, cette expérience transporte cette dizaine de personnages dans un monde qui ressemble étrangement au Far West.
Dans cet autre nouveau monde, ils sont appelés les Voyageurs.
Les Voyageurs sont entrainés pour survivre et se déplacer dans le « Multiplexe Incarnationnel et Phénoménal » par ceux qu’on appelle les Chasseurs. Le Multiplexe Incarnationnel et Phénoménal est la dimension qui donne accès à toutes les dimensions, y compris la nôtre (à notre échelle de perception macro-physique, la vie).
Ce Multiplexe est encore appelé : le Chemin de tous les Chemins (rappelant des approches scientifiques du Bouddhisme), ou encore le « Tous-Chemins ». Les Chasseurs et les Voyageurs sont eux-mêmes poursuivis par des êtres redoutables : les Prédateurs.
Cosmic Kiss 1991 fait le récit d’une course poursuite – road movie infini – où bien souvent les prédateurs courent après les Chasseurs qui courent après les Voyageurs.
Tous veulent atteindre l’Ouest, là où le soleil se couche.
Tous espèrent ne pas devenir des fantômes, errant dans la forêt.
Tous souhaitent ou accéder à la fin du monde de l’expérience, ou à un paradis, ou à un retour à la vie.
Certains souhaitent juste modéliser un saloon, y boire des coups et y chanter des chansons… en compagnie d’un public, lui-même modélisé.
Cette saga à travers un étrange Bardo Thöidol en forme de western se termine presqu’à l’Ouest, dans un saloon, où tout semble autorisé à ceux que les Chasseurs appellent aussi « les Jeunes Sangs » (les Voyageurs), à commencer par se questionner sur l’époque dans laquelle ils sont nés, 1991, à poursuivre en chantant des songs mélangeant Folk Music, Blues, and Rock’n Roll…