Ils nous ont oubliésThéâtredelaCité

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À venir
 

Ils nous ont oubliés

De
Thomas Bernhard
Mise en scène
Séverine Chavrier

Distribution

De
Thomas Bernhard
Mise en scène
Séverine Chavrier
Avec
Laurent Papot, Marijke Pinoy, Camille Voglaire
Musicien
Florian Satche
Dressage et éducation des oiseaux
Tristan Plot
Scénographie
Louise Sari
Création vidéo
Quentin Vigier
Création son
Simon d’Anselme de Puisaye, Séverine Chavrier
Création lumières
Germain Fourvel
Création costumes
Andrea Matweber
Régie général et plateau
Marco Hollinger
Assistante dramaturgie
Marion Stenton
Assistant à la mise en scène
Ferdinand Flame
Construction du décor
Julien Fleureau, Olivier Berthel
Remerciements
Rachel de Dardel, Augustin Muller, Amandine Riffaud

Production CDN Orléans/Centre-Val de Loire

Coproduction Théâtre de Liège – Tax Shelter, Belgique, Théâtre National de Strasbourg, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie, Tandem Scène Nationale Arras-Douai, Teatro Nacional de Catalunya, Barcelone, Espagne, (en cours)

Avec l’aide exceptionnelle de la Région Centre – Val De Loire

Partenaires Teatro Nacional São João, Porto, Portugal, Teatro Nacional Dona Maria II, Lisbonne, Portugal, Odéon-Théâtre de l’Europe, JTN – Jeune Théâtre National – Paris, ENSATT – École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre – Lyon, Ircam Institut de recherche et coordination acoustique/musique, (en cours)

Informations

Saison À venir
Théâtre

Résumé

Après la joie d’avoir créé en 2016 au Théâtre Vidy-Lausanne Nous sommes repus mais pas repentis (Déjeuner chez Wittgenstein) nous poursuivons notre travail sur Thomas Bernhard. La Plâtrière offre un matériau unique dans son œuvre pour nous confronter à la question du repli sur soi, de l’enfermement, de la folie et de la paranoïa qui va avec, de la dangerosité des psychés recluses et de la catastrophe qu’elles annoncent (un long suicide à deux ou un meurtre).
Thomas Bernhard mène en même temps que l’enquête, une réflexion acide, brutale et jubilatoire sur la condition de l’homme moderne, de sa peur de l’étranger, de l’autre, sur ce que la grande œuvre scientifique peut nous permettre de légitimer de maltraitances et d’abus.
Coupés du monde puisqu’ils le voulaient, reclus dans La Plâtrière, les deux protagonistes rivalisent de chantages, d’humiliations faites à l’autre. Konrad se rappelle même s’être dit : « J’épouse une femme qui dépendra entièrement de moi, qui ne pourrait exister sans moi, et d’autre part elle est à ma merci, sans condition, pour l’accomplissement de mon but, c’est-à-dire ma recherche scientifique. Une femme que je puis, s’il le faut, maltraiter, si les exigences scientifiques m’y obligent. »
Avec énormément d’humour et par l’intermédiaire des quelques témoins de ce drame de la modernité aux allures de fait divers, nous entrons peu à peu dans l’intimité de ce couple où la folie de l’un est toujours le remède ou la condamnation de l’autre.

Sous le texte

Thomas Bernhard est l’auteur qui écorche et démange « La vieille Europe » mais dans La Plâtrière la critique semble encore plus vaste, plus profonde, c’est la critique des mondes qui s’enferment, des murs qui se dressent, des vies qui s’atrophient parce qu’au fond il manque le courage de créer.

Le silence terrifiant, que Konrad réclame chaque jour, pour enfin pouvoir écrire la première ligne de son traité « et le reste viendra tout seul puisqu’il l’a dans la tête » est un silence mortifère, chaque bruissement, « les voix sur l’autre rive » que personne d’autre que lui n’entend, tout conspire contre lui pour l’empêcher de s’accomplir.

Et puis à force d’attendre « les conditions idéales », le temps passe, l’ouïe s’altère, l’œuvre d’une vie est anéantie avant même d’avoir pu commencer à exister. D’à moitié fou l’homme devient totalement fou et commet le meurtre. Konrad, sans le savoir, construit un mausolée, un caveau hermétique, les conditions de l’accomplissement de l’œuvre ultime se trouvent dans la mort. Une contradiction qui nous rend fou, dans un rapport au temps très contemporain.

Il est impossible pour ces personnages d’entreprendre. Leurs rêves s’effritent, tombent en poussière, comme ce plâtre omniprésent, et rejoignent les ruines des tentatives de construction précédentes. Pour la femme en lutte avec la maladie, il ne reste que la dignité de pouvoir supporter la douleur, avec la réminiscence des grâces du temps « jadis » qu’elle évoque inlassablement tout en ayant perdu le réel espoir de le retrouver. Dans cette campagne livrée aux violences de la réclusion et à l’entre-soi, où « les gens donnent tous l’impression d’être des vieillards », la brutalité entre les murs des maisons sourd dans un langage qui révèle les violences profondes et quotidiennes, un tragique bernhardien fait de temps longs et de syncopes brutales, entre solutions de désespoir et courage soudain.

Ce monde sans évènement, « détérioré par l’usage », s’est effondré aux mains d’ouvriers incapables de rebâtir, et devient ainsi le réceptacle tendu de tous les sons que l’oreille acharnée de Konrad attend. Mais peut-on encore entendre véritablement, dans cette geôle d’isolation forcée étreinte par une neige épaisse ? Quelle sorte d’ouïe peuvent encore avoir ces habitants qui ne supportent plus la musique ? Le piano qui ouvre La Plâtrière, dès ses premières lignes, condamné à rester fermé, n’offrant que la résonance d’un couvercle que l’on ferme, que peut-il, que peut-on encore entendre ?

Les maladies sont le plus court chemin de l’homme pour arriver à soi.

Thomas Bernhard