La Nuit des roisThéâtredelaCité

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Saison 2025-26
 

La Nuit des rois

ou Tout ce que vous voulez
Texte
William Shakespeare
Traduction
Olivier Cadiot
Mise en scène
Galin Stoev
Spectacle accompagné par le
ThéâtredelaCité

Distribution

Texte
William Shakespeare
Traduction
Olivier Cadiot
Mise en scène
Galin Stoev
Spectacle accompagné par le
ThéâtredelaCité
Avec
Yoann Blanc – Toby Anna Cervinka Sociétaire de la Comédie-Française – Olivia Sébastien Eveno – Malvolio Nicolas Gonzales – Antonio Cyril Guei – Orsino Vincent Pacaud – Andrew Eliot Piette – Fabian Nathan Prieur – Sébastian Marie Razafindrakoto – Maria Zoé Van Herck – Viola (en cours) – Festé
Collaboration artistique et assistanat à la mise en scène
Virginie Ferrere
Scénographie
Alban Ho Van
Lumières
Elsa Revol
Costumes
Marie La Rocca
Son
Joan Cambon

Production
ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie

Avec la participation artistique du JTN, Jeune Théâtre National, du Studio | ESCA et du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, DRAC et Région SUD

Informations

La Salle
Durée estimée 2h30

Création le 19 mai 2026 au ThéâtredelaCité

Saison À venir
Théâtre

Résumé

Une fête pour la fin du monde !

L’intrigue de La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez repose sur un travestissement : le personnage principal, Viola, naufragée et croyant son frère jumeau Sébastian mort, se déguise en homme sous le nom de Cesario pour entrer au service du duc Orsino. Ce travestissement crée une série de quiproquos et questionne les normes et libertés que la société nous impose selon notre genre, ici masculin ou féminin, face à nos propres envies et aspirations. L’espace même de la pièce, comme celui de la scène, devient le terrain où le désir et l’apparence vont se rencontrer et entrer en collision.
Chacun∙e, personnage ou spectateur∙rice, pourra-t-il∙elle se fier à son jugement ?

Extrait

On dit que la musique alimente l’amour
alors, musique !

Servez m’en jusqu’à la lie
au maximum

L’envie en tombe malade

Et déjà
— l’appétit se meurt

Allez, encore cette montée
sa chute est mortelle

Elle envoie un son délicieux à mes oreilles

On dirait le va-et-vient d’un souffle
sur un carré de violettes

Il diffuse le parfum qu’il capture

Stop !
arrêtez tout

C’est moins bien qu’avant

[La musique cesse.]

Amour, ta nature est si sauvage
— si avide

Insatiable comme la mer

Rien ne rentre ici
même la chose la plus précieuse

Sans en sortir dévalué en moins d’une seconde

Désir
— ah, tu débordes tellement de formes

Le comble de la magie
c’est toi

Acte I, scène 1

L’humanité s’est toujours offerte des parenthèses enchantées permettant de transgresser l’ordre établi. Le théâtre ouvre aussi, dans la vie quotidienne, une sorte de parenthèse enchantée grâce à laquelle on peut aiguiser notre intelligence, notre sensibilité et notre discernement.

Galin Stoev

Entretien avec Galin Stoev

Au cœur du désir

Pour sa dernière création initiée en tant que directeur du ThéâtredelaCité, Galin Stoev explore La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez, magnifique pièce de William Shakespeare, qui porte l’art de la comédie au plus haut. L’abordant via la récente traduction d’Olivier Cadiot, avec une large troupe d’interprètes et plusieurs fidèles partenaires artistiques, il en propose une version d’une grande liberté de ton, pleine de vie et de musique(s). Centré sur le désir, ses jeux éternels et ses tourments infinis, le spectacle traverse allègrement les siècles pour se saisir au mieux de notre époque.

C’est votre deuxième mise en scène de Shakespeare. Par le passé, vous avez mis en scène Mesure pour mesure, à Sofia, durant les années 1990.

Oui, c’est vrai. Cela dit, j’avais aussi étudié La Nuit des rois à l’école et Shakespeare est évidemment un auteur de première importance à mes yeux. Pour toute personne travaillant la mise en scène de théâtre, Hamlet apparaît un peu comme la pièce définitive, celle qui représente le défi par excellence. Tôt ou tard, il faut s’y confronter. Chez moi, cela a suscité une forme de résistance, me donnant au contraire envie de ne pas m’y confronter (sourire). Pour le moment, je penche plutôt vers ses comédies. À l’avenir, je me tournerai sans doute vers ses tragédies, en me dirigeant vers Le Roi Lear, par exemple, plutôt que vers Hamlet, mais j’ai encore besoin de temps.

D’où est venu le désir de revenir maintenant vers Shakespeare et La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez en particulier ?

Quand j’ai pris la direction du ThéâtredelaCité, tout le monde attendait que je monte un projet spectaculaire, pour le grand plateau. Au lieu de cela, j’ai créé Insoutenables longues étreintes d’Ivan Viripaev, dans la petite salle (le CUB), avec quatre interprètes. C’était une manière de m’affirmer avec la chose qui me ressemblait le plus. Aujourd’hui, avant mon départ du théâtre, j’ai l’opportunité – pour la dernière fois – d’explorer à nouveau le grand plateau (après La DOUBLE inconstance, IvanOff et Oncle Vania) et de pouvoir mobiliser un nombre important de comédiens et de comédiennes, tout en réunissant toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé au sein du ThéâtredelaCité. À cette occasion, j’ai eu envie de retourner vers Shakespeare et j’ai opté pour La Nuit des rois ou Tout ce que vous voulez, une des plus grandes comédies de tous les temps, dont le texte m’apparaît extrêmement intéressant par tout ce qui en lui résonne dans le monde d’aujourd’hui.

Parlant du texte, vous avez décidé de travailler à partir de la traduction française la plus récente, réalisée par Olivier Cadiot, suite à une commande de Thomas Ostermeier, qui a monté la pièce à la Comédie-Française en 2018 dans cette traduction. Pourquoi avez-vous choisi de l’adopter à votre tour ? Quels enjeux s’attachent à ce texte en particulier ?

Ça touche à la question beaucoup plus large de la représentation de Shakespeare en langue française. Il existe pas mal de très bonnes traductions françaises de La Nuit des rois. Du spectacle d’Ostermeier, j’ai seulement pu voir des photos et un court extrait vidéo. En tout cas, j’aime beaucoup l’idée de demander une traduction inédite pour une nouvelle mise en scène d’une pièce. Lorsque je travaillais sur une pièce de Shakespeare en bulgare, une Anglaise m’avait dit : Vous avez de la chance car vous pouvez toujours réaliser de nouvelles traductions tandis que, nous, nous devons forcément nous débrouiller avec le texte original, que la moitié d’entre nous ne comprend pas (sourire). Une nouvelle traduction permet de relier un texte classique avec le temps présent, de lui redonner un aspect contemporain dans un autre contexte. Ça peut se faire à travers la langue, ce qui nécessite un travail extrêmement subtil et implique une grande connaissance de la matière première. Peut-on traiter le texte de Shakespeare comme s’il s’agissait d’un texte actuel ? Et comment ce texte résonne-t-il avec nos questionnements d’aujourd’hui, avec nos espoirs, avec nos peurs ? La version d’Olivier Cadiot parvient à être très simple, directe, facile à comprendre, tout en préservant la complexité des problématiques inscrites dans le texte original. C’est quelque chose de vraiment essentiel. En outre, sa traduction révèle une grande compréhension de l’art du comédien. Il ne faut pas oublier que Shakespeare était lui-même comédien et qu’il écrivait d’abord pour les interprètes.

La résonance la plus apparente avec le monde d’aujourd’hui provient du trouble dans le genre qu’instaure la pièce, notamment via le travestissement. Au cours d’une interview diffusée sur France Culture en septembre 2018, Olivier Cadiot a dit que, de son point de vue, tout est trans dans La Nuit des rois. Est-ce un aspect aussi saillant à vos yeux ?

C’est un aspect très important, mais ce n’est pas celui pour lequel j’ai choisi cette pièce. Le travestissement est l’un des motifs les plus prisés dans le monde théâtral en général. Selon moi, le texte de La Nuit des rois porte sur le désir et sur le paradoxe que le désir contient en soi. C’est peut-être la seule pièce de Shakespeare dans laquelle les épreuves qu’affrontent les personnages sont avant tout d’ordre affectif. Il n’y a presque pas de sous-texte sociopolitique. L’action se déroule dans un pays fictif, baptisé Illyrie, situé dans un endroit du monde, la côte des Balkans, encore mal connu à l’époque et fréquenté par des pirates. Une jeune femme prénommée Viola – le personnage principal de la pièce – débarque sur les plages de cette île, suite à un naufrage, et se demande où elle se trouve. Elle se transforme en un jeune homme, Cesario, en revêtant des habits différents et en adoptant une autre identité, presque comme si elle changeait d’ADN. Elle devient une sorte d’écran sur lequel n’importe quel autre personnage de cette histoire va pouvoir projeter ses désirs et ses sentiments. Peu à peu, elle va semer le trouble autour d’elle et perturber l’ordre établi.

Comment abordez-vous le texte ? Allez-vous le garder en intégralité, faire des ajouts, apporter des modifications ?

Cela va se mettre en place au fur et à mesure du travail avec les interprètes. Des comédiens et comédiennes ayant déjà joué dans certaines de mes pièces précédentes – comme Anna Cervinka (sociétaire de la Comédie-Française, NDR), Yoann Blanc et Sébastien Eveno – se mêlent ici à plusieurs membres du Jeune Théâtre National. Les répétitions vont se dérouler en deux phases : la première, à la table, en décembre 2025, et la seconde, au plateau, en avril 2026. Durant la première phase, nous allons faire en sorte que tout le monde connaisse non seulement le texte mais également sa structure, de manière à pouvoir jouer le plus librement possible à l’intérieur. J’aimerais bien explorer davantage la forme chorale, totalement dégenrée, que j’ai expérimentée dans ma création précédente, Illusions. Pour l’instant, je garde le texte tel qu’il est, mais je n’exclue pas du tout l’idée d’y toucher. Par exemple, il y aura de petites coupes, c’est certain. Peut-être aussi des insertions d’autres éléments textuels mais, à ce stade, rien n’est fixé, cela reste très ouvert. L’objectif consiste à créer sur scène un terrain de jeu dans lequel nous allons expérimenter en temps réel sur les facettes les plus paradoxales du désir et sur la folie que cela peut engendrer. Les personnages de la pièce ressentent et expriment des désirs, tous complètement contradictoires, qui les amènent à faire des choses souvent inouïes. Cela crée un jeu théâtral très jouissif à orchestrer et à partager avec le public.

La deuxième partie du titre de la pièce, ou Tout ce que vous voulez, suggère un espace illimité pour la mise en scène. Avez-vous déjà défini des partis pris, par exemple quant à la scénographie et aux décors ?

Nous explorons des pistes. L’action se déroule au bord de la mer et j’aimerais que cela apparaisse au bout d’un certain temps. Je ne veux pas des éléments illustratifs, mais plutôt des éléments actifs qui vont propulser le récit et servir d’appuis de jeu. Joan Cambon, avec qui j’ai déjà travaillé plusieurs fois, conçoit tout l’univers sonore du spectacle. La musique y tient une place importante comme dans le texte même de la pièce. Mêlant de l’électronique et plusieurs instruments, elle va être en partie interprétée en live par une partie des interprètes. S’agissant de la temporalité, j’ai envie d’avoir la sensation de l’ici et maintenant, mais je veux jongler librement entre le passé et le présent.

Dans votre note d’intention, vous caractérisez la pièce comme une « comédie brutale et vivante ».

Oui, la brutalité jaillit de partout, prend différents visages. D’un côté, il y a les fêtards, déterminés à s’amuser de façon jusqu’au-boutiste. Ils essaient d’organiser une fête dès qu’il y a un moment disponible. De l’autre côté, il y a Malvolio, puritain arriviste, qui essaie systématiquement de s’opposer à eux. Appartenant à une certaine classe de la société, devenue de plus en plus imposante au fil du temps, il représente les gens qui – à l’époque où la pièce a été écrite – luttaient pour interdire les spectacles, faire fermer les théâtres et empêcher les troupes de jouer. La manière dont Shakespeare traite ce personnage constitue une forme de vengeance vis-à-vis de ceux qui représentaient un vrai danger pour lui et sa compagnie. À l’heure où nous parlons, je cherche encore ce qui peut le mieux incarner Malvolio en 2025. J’ai l’intuition que ça pourrait tendre vers l’extrême droite, politiquement parlant.

En tirant ce fil, peut-on voir la pièce comme une forme de manifeste ou d’ode au théâtre et à sa puissance ?

Je n’utiliserais pas forcément le mot « manifeste », même si l’idée est intéressante. Je pense que la pièce parle d’une liberté interdite, liée aux notions d’ivresse et de folie propres au carnaval. Le titre original de la pièce, The Twelfth Night (La Douzième Nuit), fait référence à la douzième nuit après la naissance de Jésus, c’est le moment où les rois mages arrivent pour offrir des cadeaux. Cela marque aussi la fin du carnaval hivernal, célébration qui suspend la normalité, amène à sortir de tous les cadres qui nous conditionnent et nous étouffent. Cela conduit à toucher une forme de liberté qui fait peur, mais qui peut nous élever et même, parfois, nous rendre plus courageux. L’humanité s’est toujours offerte des parenthèses enchantées permettant de transgresser l’ordre établi. Le théâtre ouvre aussi, dans la vie quotidienne, une sorte de parenthèse enchantée grâce à laquelle on peut aiguiser notre intelligence, notre sensibilité et notre discernement. La représentation permet à la fois d’éprouver une profonde empathie pour ce qui se passe sur scène et – par la distance qu’elle crée – de l’analyser avec clarté. Le théâtre reste l’un des derniers endroits où l’on peut vivre, ensemble, une telle expérience de nos jours. C’est ce qui le rend si important.

Propos recueillis par Jérôme Provençal, avril 2025