SANS TAMBOURThéâtredelaCité

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SANS TAMBOUR

Une renaissance en musique

Un spectacle musical à la dramaturgie rêveuse autant que burlesque, où les mélodies de Schumann questionnent nos effondrements intimes, éveillent des souvenirs enfouis… et ouvrent vers de nouveaux imaginaires.

Tout commence par un effondrement, celui d’un couple, de leur maison et de son histoire. Ils parlent ou ils chantent, c’est un peu la même chose finalement. La fin de leur histoire est le début de la nôtre, celle qui consiste à construire de nouveau sur ses propres ruines.
Samuel Achache

© Jean-Louis Fernandez

ENTRETIEN AVEC SAMUEL ACHACHE

La musique est au coeur de votre pratique de la mise en scène. Comment l’abordez-vous dans Sans tambour ?
La musique n’est pas là pour soutenir une action, ou lui donner plus de profondeur ; elle vient lui faire dire autre chose, en faisant s’ouvrir la parole comme un gouffre de sens. Nous prenons donc aussi plus de liberté avec les partitions dont nous partons. Dans Sans tambour, nous nous sommes interrogés sur la manière de faire se déployer les lieder * de Robert Schumann, pour leur faire raconter ce que nous y voyons quand nous les entendons. C’est là qu’intervient notre travail de composition : il ne s’agit pas de réorchestrer, mais plutôt d’extraire des éléments cachés de la partition pour en faire le point de départ d’une nouvelle création. Le fait de réunir sur scène des acteurs, des chanteurs et des instrumentistes – certains interprètes pouvant exercer d’ailleurs plusieurs actions à la fois – y contribue pour beaucoup. C’est une écriture pensée, construite ensemble.
* lied, lieder ou lieds : « chant » en allemand, chanson ou mélodie populaire allemande.

Quelle est la dramaturgie que la musique vous a amenés à composer ? Dans Sans tambour, la fiction, la scène et la musique explorent cette même question, chacune dans son langage, et évoluent toutes trois de la même manière. Sur scène, nous avons eu l’idée de créer un espace domestique, une maison, que nous voyons peu à peu se démanteler sous nos yeux jusqu’à ce qu’elle ne soit plus qu’une ruine, un désert. Il en va de même pour la musique : nous la désossons jusqu’à ne plus en garder que la structure, jusqu’à enlever la chair même du son. Nous en arrivons ainsi à jouer les lieder sur un piano préparé, dont nous avons altéré le son en plaçant des objets dans ses cordes… c’est très étonnant ! Il s’agit toujours de la même musique, mais que nous n’entendons plus du tout de la même manière. Pour autant, cet effondrement n’est pas un anéantissement : au contraire, il ouvre des espaces imaginaires, fictionnels. Ce qui apparaît au début comme un désastre est en fait le début d’une ouverture à tout le champ des possibles. Et cela, en partant d’un tout petit fragment d’histoire intime…

Pourquoi le lied ? Pourquoi Robert Schumann et les. poètes romantiques ?
Ce qui est intéressant avec les lieder, c’est qu’ils fonctionnent comme des précipités, des unités complètement closes sur elles-mêmes avec un début, un milieu et une fin. En cela ils représentent une notion importante pour les romantiques, celle de l’absolu, qu’ils considéraient ne pouvoir atteindre que par la petite forme, le morceau, le fragment.

Ce qui apparaît au début comme un désastre est en fait le début d’une ouverture à tout le champ des possibles.

Sans tambour est aussi une réflexion sur la mémoire. Comment se manifeste-t-elle dans le spectacle ?
Quand un espace ou une histoire n’existent plus, tout ce qu’il en reste c’est son souvenir. Entrerdans l’espace imaginaire des personnages, au moment où ils font l’expérience d’une telle perte, cela signifie donc aussi entrer dans leur mémoire. Comment faire pour visiter ces engrammes, c’est-à-dire les traces laissées en nous par nos souvenirs, afin de réinventer de nouvelles histoires ? Que recomposons-nous, à partir du souvenir que nous avons des choses ? Certains motifs nous constituent et sont inscrits en nous, quand bien même nous ne les avons pas forcément vécus. C’est ainsi que dans le spectacle, nous voyons tout à coup surgir les figures de Tristan et Yseut, une peinture romantique… ou encore, un lied. Car la musique permet précisément cela : rétablir un lien direct entre notre conscience et une image, vécue ou imaginaire.

© Jean-Louis Fernandez
 
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