Messieurs LumièresThéâtredelaCité

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Monsieur, Madame

Messieurs Lumières

Les frères du même nom, inventeurs du cinématographe, étaient deux : eux, ils sont trois, Sadock Mouelhi, Philippe Ferreira et Michel Le Borgne qui partira en retraite en fin de saison après plusieurs décennies au service du théâtre public : de sa formation d’électricien à son expérience d’éclairagiste au Théâtre des 13 vents à Montpellier, puis celle de régisseur venu à Toulouse avec Jacques Nichet jusqu’à sa fonction actuelle de régisseur lumière et éclairagiste, son parcours est représentatif de l’évolution du métier. En effet, comme pour le son, des métiers à la fois très techniques et à forte valeur créative ajoutée, les compétences se sont parfois apprises sur le tas mais se sont complexifiées avec l’évolution du matériel utilisé. Pour éclairer les scènes des théâtres, comme les plateaux de cinéma, on est passé des bougies aux ampoules, du gaz à l’halogène puis au projecteur à LED, et du bon gros rail de projos à la télécommande bourrée d’informatique. « Reproduire la lueur d’une flamme sans mettre le feu, gérer toutes les couleurs à partir de 5 LED pleines de possibilités optiques, les progrès techniques ont entraîné d’autres façons de travailler et exigé des formations plus pointues » dit Michel.

QUE LA LUMIÈRE SOIT !

Certaines facettes du métier sont liées au contexte en CDN : « raccorder » les spectacles accueillis, assurer la régie des créations maison et assister techniquement les équipes artistiques dans les lieux où les spectacles partent en tournée. Mais créer la lumière, ce n’est pas juste brancher des fils. C’est aussi – comme ils en témoignent tous les trois avec une grande humilité – un métier éminemment artistique, qui s’envisage « avec les images que l’on a en tête ». La lumière est une sensibilité et un savoir-faire qui s’apprend et se cultive, au même titre que la peinture. Chacun développe « sa patte », dans l’admiration des grands maîtres qu’ils citent et que sont, par exemple, Éric Soyer, scénographe de Pommerat, André Diot, directeur de la photo de Chéreau ou Dominique Bruguière, rare femme éclairagiste reconnue dans un secteur qui met du temps à se féminiser. On le réalise donc en les écoutant : créée justement par ces métiers de l’ombre, la lumière est sans conteste un matériau clé de la scénographie d’un spectacle et de l’esthétique d’un metteur en scène. Un des plus importants, même si on a tendance à oublier qu’elle est là (c’est son paradoxe) : sensorielle, fluide comme une eau (ne dit-on pas qu’elle ruisselle), la lumière, comme la musique, crée la poésie et l’émotion. Même ténue, quasi invisible parfois, elle est le droit chemin vers l’œil – et le cœur – des spectateur∙rice∙s.

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