L’AtelierCité, troupe éphémèreThéâtredelaCité

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L'AtelierCité

L’AtelierCité, troupe éphémère

L’ambition du ThéâtredelaCité est de permettre à de jeunes artistes de mieux comprendre les réalités des métiers du spectacle vivant et d’intégrer un réseau de professionnel·le·s pour faire éclore leurs projets d’artiste interprète créateur·rice. Recrutée en juin, la troupe éphémère 2022-23, composée de quatre comédiennes et quatre comédiens — Marine DécheletteMathieu Fernandez, Élise Friha, Marine Guez, Alice Jalleau, Thomas Ribière, Julien Salignon et Jean Schabel, est invitée à partager pendant 15 mois la vie du théâtre. À l’automne 2023, les artistes de l’AtelierCité présenteront Même si le monde meurt, un spectacle mis en scène par Laëtitia Guédon à partir d’un texte original de Laurent Gaudé. Avant cela, vous pourrez les rencontrer lors des présentations publiques des chantiers de création menés tout au long de la saison ou à l’occasion de lectures publiques et de projets de médiation culturelle.… 

© Gilles Vidal

Le jeu des 8 pour 8 

Pour se présenter à vous, chacun∙e des 8 comédien∙ne∙s a choisi de répondre à une question* et de photographier un∙e camarade de la troupe. 

* Chaque question est tirée d’un long questionnaire qui a servi de base de travail au premier atelier auquel la troupe a participé sous la direction de Pedro Penim, directeur du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne. 

Quel est votre organe préféré dans le corps ? 

Je sors de la création d’un spectacle où je danse – Lilou, la chorégraphe, m’avait donné cette indication : « Au début, ce sont seulement tes organes qui dansent ». Je les voyais tous ; mon coeur gigoter dans ma cage thoracique, les cellules de ma peau frétiller, mon estomac et mes poumons pulser dans un discret mais joyeux chaos intérieur. Pour sa petite danse à la fois onctueuse et dégingandée, je pense que ma préférence va à mon coeur. Car, même si je les adore et sans tenir compte de leurs piètres performances chorégraphiques, mon cerveau et mon intestin sont de grands nerveux, ce qui peut m’agacer beaucoup. Mon coeur a l’élégance d’être (parfois terriblement) juste dans ses emballements. 

Marine Déchelette 

Pourquoi tant de gens veulent voir la Joconde ? 

J’ai été de nombreuses fois dans cette salle de La Joconde. Pas pour la voir Elle, mais obsédé par tous ces gens qui s’agglutinent devant… 
Au bout d’un long moment, j’ai remarqué, sur le mur à droite quand on lui fait face, le portrait d’un jeune homme sur un tableau que personne ne semble voir. 
Comme moi, il est spectateur de ce troupeau humain. 
Accoudé à un fauteuil, sa main gauche gantée tient le gant retiré de son autre main, nue. 
Il est jeune, ses yeux bleus semblent checker l’intérieur de sa tête, 
Comme si, au fil des années, il avait accepté de ne pas être le centre de l’attention, 
Comme s’il s’effaçait… 
Je pense qu’il a tout compris, lui. 
“L’Homme au gant”. 
C’est mon tableau préféré. 

Mathieu Fernandez 

Écoutez-vous les conversations téléphoniques privées des autres ?

Oui ! Train, métro, café… Pour mes proches, ça dépend du contexte. Petite anecdote : pendant une rupture amoureuse, une amie avec qui je suis dans mon studio me dit qu’elle doit avoir au téléphone la personne dont je venais de me séparer, avec qui elle est aussi amie, et qu’elle préfère faire ça à l’abri de mes regards. Elle va dans le couloir pour passer l’appel. Au bout de 20 secondes, j’étais plantée dans le sas d’entrée, à essayer d’entendre les moindres infos. Je ne pouvais pas accepter qu’elle ait des nouvelles et moi, non… Avant qu’elle raccroche, je suis retournée m’asseoir dans ma position initiale, mon amie est revenue et j’ai demandé si l’appel s’était bien passé.

Élise Friha

Que font les somnambules ?

Les somnambules ouvrent les portes de l’inconscient.Ils ont un pied de chaque côté comme s’ils étaient les gardiens d’un monde secret. Ils rêvent et vivent en même temps. Les somnambules sont des fantômes qui parlent sans qu’on les entende, se meuvent sans qu’on les voie. Ils sont seuls dans leur monde hybride et expérimentent l’inconnu à leur insu. Ils se font des blagues, se mettent en danger, se perdent. Ils peuvent raconter, rire, pleurer ou simplement observer d’un nouvel oeil ce qui les entoure… Et le lendemain, ils oublient tout de leur voyage. Ils continuent leur vie comme si rien ne s’était passé, jusqu’à ce que leurs yeux se referment…

Alice Jalleau

Où va la lune pendant la journée ?

Un matin, une femme me dit que la lune, tous les jours, part se baigner dans la mer Méditerranée. Plongée journalière en apnée. Yeux clairs et sourire tendre. Moi, je crois que chaque matin la lune part se loger dans les yeux des fous et des illuminés qui attendront le soir pour relâcher le globe protecteur et inspirateur. Je crois que ces artistes de l’étrange quotidien sont les gardiens de la dame blanche avec laquelle je cherche à danser depuis tout gamin.

Julien Salignon

Aimez-vous voyager en train ?

14h28. Bordeaux – Toulouse Matabiau. 
Deux couples s’embrassent sur le quai, on ne sait pas bien s’ils se retrouvent ou se quittent. Avant le train, il y a la gare. Le spectacle, mon préféré, des gens chargés qui partent ou arrivent, c’est selon. Ensuite le voyage. La ville s’estompe, dégradé du gris au vert clair. Laisser filer. Le voyage comme une promesse de s’alléger. Pour moi au bout de la ligne, il y a une nouvelle ville, un nouveau travail, de nouveaux visages. Thomas dit « je ne sais plus très bien où c’est chez moi ». Mathieu dit « maintenant, chez nous, c’est ici ». Je pense « j’ai le temps du voyage pour décider ». Et plus je me rapproche, plus je souris. 16h37, le train entre en gare.

Marine Guez

Aimez-vous la photo de votre passeport ?

J’ai un rapport très controversé à cet objet, frôlant le paradoxe. Qu’est-ce qu’un passeport ? Ce n’est qu’un artefact, un titre solennel et unique se maquillant d’un revêtement en cuir, annonçant la zone de non-droit humain, telle une barrière opaque et sans limites. Dans mon amas infernal du doute face à cette question, je soumets à l’auditoire mon ressenti face à cette « photo » qui se loge au coeur d’un objet vil et sournois contenant, au-delà d’une image, un visage. Mais ce visage, blafard, abîmé par la vie, est celui d’un être vivant et respirant, comme il nous l’a naturellement été donné. Celui d’un homme rempli de questions et de doute. Je comprends la froideur de cette forme stricte imposée, néanmoins le fond ne cesse de crever l’image. Faut-il aimer ce que l’on est ou ce que l’on voit ?

Thomas Ribière

Aimez-vous le bruit de l’aspirateur ?

Parler aspirateur, c’est parler météo. Signe que la conversation est arrivée à son terme. Pourtant, le bruit d’un aspirateur pourrait me passionner. La réaction qu’il provoque est assez révélatrice de votre état intérieur. Allongé sur votre lit, vous regardez le ciel et les hirondelles qui y dansent. Soudain, votre coloc interrompt ce moment simple en passant l’aspirateur. Si ce bruit provoque en vous un élan de violence, êtes-vous véritablement apaisé ?
Il est une invention utile, presque indispensable, toutefois, dès que quelqu’un d’autre l’utilise, il peut briser le temps et faire mourir la poésie.
C’est la tension dramatique de l’aspirateur.
Imaginez maintenant un plateau vide, un aspirateur en marche, seul, en son centre.
Après quelques minutes, un violoncelle tombe des cintres et se brise au sol.
La poésie est née.

Jean Schabel

 
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