Tourner ce théâtre vers les artistes
Un CDN porte le projet d’un directeur-artiste à la condition de partager les moyens du lieu avec d’autres artistes et Galin Stoev le dit, il a eu la chance lors de ses 25 premières années de création théâtrale d’être accueilli et soutenu partout en Europe, de sa Bulgarie natale à Berlin en passant par Bruxelles ou l’Italie. Aucune surprise donc à ce qu’aujourd’hui en charge du ThéâtredelaCité, il prolonge à son tour cette tradition d’accueil et de soutien aux artistes, que ce soit sur leurs besoins humains, techniques ou financiers. L’inCUBateur créatif réunit ainsi tous les ingrédients d’un accompagnement sur-mesure dont bénéficient les compagnies en fonction de leur projet : certaines ont besoin d’un coup de pouce sur la production, d’autres d’un regard extérieur sur l’écriture en cours, d’autres enfin d’un apport technique sur la lumière, le décor ou tout simplement d’un plateau équipé où répéter. Cette saison, plusieurs projets sont le fruit de cet accompagnement : parmi eux, EC[H]OS de Millaray Lobos García, Le Tartuffe avec les comédien.ne.s de l’AtelierCité, Le feu, la fumée, le soufre de Bruno Geslin d’après Édouard II, Robins du collectif Le Grand Cerf Bleu, Cannes 39/90, une histoire du Festival d’Étienne Gaudillère, Insoutenables longues étreintes de Galin Stoev, Le silence et la peur construit autour de la figure de Nina Simone, Bijou bijou, te réveille pas surtout, X du collectif OS’O, Falaise de la compagnie Baro d’evel et Beaucoup de bruit pour rien, dont les équipes ont toutes été accueillies en résidence.
En faire une serre où poussent les projets
Le trimestre s’ouvre donc sur une première création, le roman de Marie NDiaye Les Serpents.
Derrière ce titre à l’animalité énigmatique, il y a « trois femmes puissantes » comme les affectionne l’autrice lauréate d’un Prix Goncourt éponyme en 2009. Quels que soient les récits qui l’habitent, son œuvre est toute entière marquée par l’étrangeté et le surnaturel, une verve fantastique caractérise sa langue et même les faits divers sordides y prennent des allures de contes mythologiques : un univers singulier, imprégné de réalisme magique où le metteur en scène Jacques Vincey a immergé ses trois comédiennes. Réunies autour de la figure d’un homme qui fut le fils de l’une, l’ex et le mari des deux autres, elles vont détricoter ensemble prudemment l’écheveau explosif de ce thriller où les enfants vivants ou morts sont pris en otages. (Presqu’)un film d’Hitchcock porté sur les planches ! Dans la foulée du calendrier, Tiago Rodrigues revient avec sa dernière création, pour sa première française : Catarina et la beauté de tuer des fascistes. Là aussi, le titre intrigue et interpelle. Et le pitch encore plus : comment, dans une famille portugaise où chaque membre pour être adoubé doit avoir tué un fasciste, la petite dernière Catarina va semer la zizanie dans l’ancestrale routine et mettre en questionnement les meurtres que l’on commet au nom de la liberté. Questions fondamentales, humour et intelligence du propos vont de pair dans cette nouvelle création d’un artiste dont on a suivi l’évolution à travers tous ses spectacles puisque Toulouse est un peu sa deuxième maison. Enfin, deux autres créations ce trimestre, EC[H]OS de Millaray Lobos García et Le Tartuffe mis en scène par Guillaume Séverac-Schmitz se dévoilent un peu plus à travers une interview croisée.